RÉFLEXIONS SUR L’EXPÉRIENCE DU PROPHÈTE ABRAHAM – Partie II

RÉFLEXIONS SUR L’EXPÉRIENCE DU PROPHÈTE ABRAHAM – Partie II

Amour divin et Désintéressement

Quand le Seigneur dit « quand vous accepterez », cela sous-entend qu’on est dans une réflexion profonde de nous-mêmes pour vraiment arriver à déterminer d’entre tout ce que nous aimons, pour pouvoir en sortir ce que nous chérissons le plus et c’est très subtil. Par exemple, quelqu’un se réveille le matin, il a le choix de rester chez lui ou d’aller travailler. Lequel des deux chérit-il le plus ?

Dans l’ordre social, le plus souvent c’est toujours lié à des intérêts, mais quand il s’agit de l’amour de Dieu, comme le disait St Paul, il ne cherche point son intérêt et il ne soupçonne point le mal. Donc on n’est pas partagé entre le négatif et le positif, on n’est pas partagé entre le bien et le mal parce qu’à travers l’histoire d’Abraham, on voit qu’il est au-delà du positif et du négatif, il est au-delà du bien et du mal, il est au-delà de l’optimisme et du scepticisme.

Ce sont en fait des notions que la raison et la tête génèrent en nous parce que nous sommes dans des attentes de savoir si ça va être positif ou négatif ou est-ce qu’il y a lieu d’être positif ou sceptique. Donc c’est effectivement la situation de celui qui ne bouge pas. Mais pour celui qui bouge, pour celui qui accepte, pour celui qui fouille au très profond de lui-même, il est en face d’un dilemme, il est dans une situation où il doit faire un choix. Et à cet effet, il va voir ses capacités, il va voir son engagement, il va voir sa persévérance, il va voir sa patience, il va voir beaucoup, beaucoup de choses pour pouvoir mener à bien son combat. Dans cette situation, il n’est pas dans la condition de penser à tout ce qui pourrait le faire revenir en arrière.

Liberté et Conscience

Or on voit comment les gens réfléchissent dans l’ordre social. On voit comment les gens imaginent dans l’ordre social et quels sont les critères dans cet ordre social. Dans l’ordre social, le mental et la raison sont là pour guider les gens ou pour les réconforter, en tout cas dans leurs appréhensions. Cela nous ramène à l’exemple du Prophète Abraham et comme le dit le Seigneur « Quand vous accepterez… » et c’est très important parce que se pose la question de liberté. En effet, le Seigneur ne nous contraigne point.

D’ailleurs les mystiques le disent dans Massalik-al-Jinan et comme le dit aussi le Seigneur, « Ne pensez pas dire que vous croyez et vous allez rester comme cela. On va tester votre degré de foi jusqu’au moment où vous direz : Seigneur, je n’en peux plus, arrête ces choses » et Il va vous laisser ! Comme le dit le Seigneur, « Dieu n’impose à personne une charge supérieure à sa capacité ». Sourate 2 V 286.

Donc cette notion d’acceptation est très importante parce que le Seigneur veille à la liberté de l’individu. Il le dit bien : « Ceux qui le veulent, peuvent bien croire, comme ceux qui ne le veulent pas aussi, peuvent ne pas croire ».

Donc, cette notion de liberté est très importante ; elle n’est pas à l’image des révolutions française, américaine ou russe, non. La liberté ne relève point de la révolution, mais de l’évolution de la conscience de l’individu par rapport à cet amour de Dieu. Avec l’exemple des Prophètes, surtout celui du Prophète Abraham, on voit comment la mort est bien présente et elle est belle la mort parce que grâce à l’amour, elle donne un sens à la vie.

Mais dans l’ordre social, c’est tout à fait le contraire et les gens ne sont pas en mesure de trouver, de donner une raison et de justifier cette mort. C’est la raison pour laquelle que quand quelqu’un meurt dans l’ordre social, on ne dira pas que c’est à cause de son idéal, mais ce sera une grande surprise pour tous et on va commenter sa mort en disant qu’il a eu telle maladie ou qu’on lui a jeté un mauvais sort ! Donc quand le Prophète Muhammad dit que nous sommes en train de dormir et que c’est à la mort que nous allons nous réveiller, il montre l’incapacité de l’individu à la vie. En effet, il faut que la mort intervienne pour qu’il se rende compte de ce qu’est la vie.

Nous devons donc réfléchir à l’amour de Dieu et surtout à l’exemple du Prophète Abraham qui a initié l’humanité à la méditation et aussi à cet amour de Dieu. Il vient montrer ce que le Seigneur accorde à l’humanité comme bienfait et il vient montrer la mort. Ce n’est pas le fait de perdre l’âme, tout le monde la perdra, mais il vient montrer dans quelle condition on compte gagner l’âme. L’exemple du Prophète Abraham vient replacer le cœur au centre de l’activité humaine parce que le Seigneur se trouve dans notre cœur, Il ne regarde que notre cœur. Il est plus près de nous que notre veine jugulaire. C’est une manière imagée de montrer la place qu’Il occupe et là où Il est dans notre cœur. Il est plus près de nous, ce qui veut dire que vraiment Il occupe notre cœur.

Seul l’amour de Dieu permet d’activer le cœur et cette présence de Dieu en soi. Seul l’amour de Dieu offre la possibilité à Dieu d’occuper tout l’espace du cœur. Et quand Dieu occupe tout l’espace du cœur, nous occupons tout l’univers. Quand Dieu occupe tout l’espace du cœur, nous occupons tout l’espace de l’univers et à ce moment, nous devenons des microcosmes dans un macrocosme. C’est pour cela que Dieu a caché ces deux choses fondamentales que sont la vie et la mort dans le cœur : quand le cœur bat, on dit que nous sommes en vie et quand le cœur s’arrête, on dit que nous sommes morts.

Mais ceux qui découvrent l’amour de Dieu, trouvent une symbiose, une unité entre deux éléments qui semblent s’opposer et qui dans l’ordre social, se présentent comme des contraires. On comprend alors l’attitude de la société face à ces deux éléments, qui en fait ne forment qu’un, car l’un découle de l’autre. Au sein de la société qui est régie par le principe des contraires, comment les ulémas, les prêtres et tout le monde parlent-ils de la mort ? Avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de frayeur ! On nous montre que par la mort, on doit faire très attention à la vie ; par la mort, on doit découvrir que la vie n’a pas de sens ; par la mort, il faut s’attendre à une très grande souffrance ; par la mort, on doit découvrir qu’on n’a rien à gagner dans cette vie.

L’approche de la réalité divine conduit à différents niveaux de compréhension et seulement ceux qui sont dans la conscience divine, arrivent véritablement à entendre le message de Dieu à travers ses Prophètes. Dans le cas du Prophète Abraham, il y a cette symbiose de la mort et de la vie dans le fait d’accepter de donner ce qu’il chérissait le plus. Et quand on regarde sa vie, d’abord, il ne s’attendait pas à avoir un enfant parce qu’il était d’un âge avancé, mais le Seigneur lui a témoigné de Sa miséricorde et de Son amour. Mais que se passe- t-il après ?

Si on réfléchit par rapport à notre société, on dirait que le Seigneur revient pour l’affliger davantage au point qu’Abraham aurait pu se dire à quoi bon avoir un enfant si les choses devaient se terminer de cette manière. On le voit, combien de parents sont dans une dépression profonde ou finissent par mourir parce que leur fils unique est mort.

Mais le Prophète Abraham n’a pas été frappé par l’héritage parental. Prenons le cas du père du Prophète Yusuf qui a tout de suite perdu la vue parce qu’il ne voyait plus son fils. C’était tellement poignant pour lui qu’il a tout de suite perdu la vision, donc c’est une relation très particulière. Et dans le cas d’Abraham, c’est très important quand le Seigneur stipule « Quand vous accepterez ». Encore une fois « Quand vous accepterez » ! C’est une forme d’acceptation qui est le témoignage de l’amour de Dieu, en fait, de cet amour qui gicle dans le sang du Prophète Abraham. Cette forme d’acceptation c’est la preuve de l’amour qui gicle dans le sang de ce dernier. Dans son cas, il y a plusieurs postulats qu’on pourrait énumérer pour apposer un non catégorique par rapport à la raison normale, qui ne sont pas des raisons du cœur.

Quand on voit le cas des parents qui ont eu des enfants à un âge avancé ou des enfants uniques, ils deviennent quelquefois même leurs complices dans les meurtres qu’ils commettent et font tout pour que leurs enfants échappent à la justice parce qu’ils sont uniques. Le Seigneur dit si vous acceptez et à travers le parcours du Prophète Abraham, non seulement il est confronté au problème de l’héritage, mais aussi au problème de la descendance, à son propre problème, à sa famille et à son Seigneur, comme on l’a vu avec l’histoire du Prophète Noé. Donc tous ces éléments sont à méditer et à voir de plus près.

Il y a cet autre aspect aussi, c’est-à-dire l’enfant qui partage avec son père cet amour de Dieu, pourquoi ? Parce que ce que dit Cheikh Ahmadou Bamba, est très important : « ceux qui aiment ce que j’aime », il n’y a que ceux-là qui peuvent marcher ensemble. « Ceux qui aiment ce que j’aime, n’ont qu’à me suivre sans poser de question ». C’est ce qu’on constate avec le Prophète Abraham et son fils parce qu’il a aimé ce que son père aime et quand son père lui en a parlé, il a répondu : « accomplis la volonté de mon Seigneur ».

Donc il est très important aussi de comprendre cela : « ceux qui aiment ce que j’aime » et on se rend compte de la puissance de cette parole. En effet, Cheikh Ahmadou Bamba est resté 33 ans entre les mains de ceux-là qui étaient en-dessous de son niveau de conscience. Il n’était pas aux commandes de cette société qu’il a déstructurée pour la restructurer, mais qu’est-ce qui lui a permis de triompher de celui qui était présent à tous les niveaux ? C’est tout simplement l’amour de Dieu ! D’aimer ce qu’il a aimé et il n’avait pas besoin d’être présent, car la présence relève de l’absence, mais il y avait cette présence d’amour parce que l’amour est dans les cœurs.

Le cœur, l’âme, la vie et la mort

D’ailleurs le Seigneur reviendra vers Abraham parce qu’on dit toujours que le Prophète Muhammad a eu comme maitre le Prophète Abraham. En effet, le pèlerinage à la Mecque reprend tout le parcours du Prophète Abraham et ce n’est pas pour rien que le Seigneur pose comme postulat : « Dis : si vous aimez vraiment Dieu, dépendez de moi, Dieu vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés ». S 3 V 31.

En effet, le pèlerinage à la Mecque c’est tout le parcours du Prophète Abraham. C’est comme si le Seigneur rendait les honneurs à celui qui a initié toute l’humanité à l’amour de Dieu.

La vie et la mort

On comprend alors la place de la mort dans la vie de l’individu. On comprend ce qu’est le cœur, quelle est sa fonction dans la vie de l’individu et par conséquent l’âme.  À partir du moment que tous les Êtres de Paix ont commencé à vivre avec leurs cœurs, ils ont rejoint les Prophètes et sont devenus leurs héritiers. Donc l’histoire du Prophète Abraham ce n’est pas le sacrifice, non. Ce n’est pas de se préoccuper si on a un mouton, la preuve en est que partout, ce sont les mêmes discussions : « Je n’ai pas encore de mouton ! »

Tout ce que le Seigneur offre à Sa créature en tant que Son représentant, mais l’humain est tellement descendu dans les basfonds de l’obscurité, qu’il ne voit pas que Dieu l’a créé de la manière la plus parfaite à cause de la conscience qu’Il lui a donnée et c’est ce qui fait sa beauté. Mais les gens se préoccupent et ça fait des drames dans les maisons. Donc le Prophète Abraham a été celui qui a initié l’humanité à l’amour de Dieu.

La dimension sociale de l’amour

Vous comprenez maintenant ce qu’est la mort par rapport à la vie. On dit toujours que toute personne qui goute à la vie, goutera à la mort. Bien sûr !  Il n’y a pas lieu de le répéter, on a surtout l’habitude de le dire quand quelqu’un meurt. Mais ces deux éléments pourquoi sont-ils là ? Pourquoi sont-ils reliés ? Pourquoi ne font-ils qu’un ? C’est pour permettre d’emmener cette station de l’amour de Dieu. Et c’est ce qui fait que cet amour revêt une dimension sociale. Et cette dimension sociale, c’est quand le Seigneur dira à Abraham qu’il sera le père d’une grande nation, le père de l’humanité.

Donc tant que l’amour n’a pas atteint une dimension sociale, il ne peut être un amour agapè et il ne peut pas sauver l’humanité. Quand tous ces Prophètes viennent, ils réveillent quelque chose, la preuve en est qu’ils sont tous confrontés aux dirigeants et au pouvoir de leurs époques. Ils viennent avec l’amour de Dieu et montrent le pouvoir de l’amour face à ceux-là qui témoignent de l’amour du pouvoir. On a l’exemple du Pharaon qui avait l’amour du pouvoir, mais Moise a triomphé de lui par le pouvoir de l’amour. De même, le Prophète Muhammad a triomphé des Mecquois par le pouvoir de l’amour, eux qui étaient dans l’amour du pouvoir.

Dans le cas de Jésus aussi, à cause de l’amour du pouvoir, on a vu comment cela s’est passé avec Judas, Ponce Pilate et les autres, mais Jésus a triomphé d’eux à partir du pouvoir de l’amour. Ainsi, ceux qui ont instauré l’apartheid à cause de l’amour du pouvoir et rien que pour garder le pouvoir, Nelson Mandela a triomphé d’eux par le pouvoir de l’amour. Avec toute la classification de la société, Cheikh Ahmadou Bamba était en face de ceux-là qui avaient véritablement l’amour du pouvoir au point de l’exiler, exil combiné par les chefs traditionnels, les marabouts et autres, sans compter l’Europe représentée par la France. Le pouvoir de l’amour a triomphé d’eux et c’est à ce titre que Gandhi disait que l’amour est la force la plus puissante que possède l’humain, elle est la seule capable de détruire l’arme la plus sophistiquée construite par l’être humain.

Elever la conscience

Donc c’est une réalité, mais il faut savoir être dans cet amour. Sous peu on va célébrer, mais l’École ne va pas se situer dans la situation de célébrer, c’est l’occasion d’élever encore notre conscience.  C’est ce cadeau que le Seigneur nous fait en nous rappelant ce qui est arrivé à Abraham : c’est pour qu’à notre tour, nous puissions élever notre conscience. L’objectif n’est pas d’aller chercher un mouton pour célébrer ce que le Prophète Abraham a fait, non ! Il ne s’attendait pas à recevoir un mouton ! Pas du tout ; il était sûr que c’était la grande séparation entre lui et son fils. C’est nous qui nous nous préoccupons d’avoir un mouton, ce qui veut dire que nous n’avons rien compris au message de Dieu.

On est dans la forme et c’est cela l’ordre social, on voit toujours les choses à l’envers. Par cet acte, c’est comme si on montrait à Dieu qu’Il doit faire comme nous faisons et non comme Il a dit de faire. En fait, on l’appelle le sacrifice d’Abraham, mais chacun d’entre nous peut procéder à son propre sacrifice. Chacun d’entre nous doit procéder à son propre sacrifice parce que le Seigneur ne fait jamais les choses dans une dimension comme le voit la société, Il donne toujours une dimension sociale à la chose. Donc chacun est concerné. Il n’y a pas un seul individu qui ne soit pas concerné par le sacrifice. On parle du sacrifice d’Abraham et nécessairement les humains en font une identité. Mais si on comprend bien le message de Dieu aujourd’hui, chacun doit procéder à son sacrifice. Je dis que chacun d’entre nous doit procéder à son propre sacrifice. Est-il prêt à donner ce qu’il chérit le plus ? Comme ça nos moutons vont pouvoir être en liberté !

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